A VIN NOUVEAU OUTRES NEUVES (Mt 9, 17)

D’un centenaire à l’autre : Fils et Filles d’Idiofa, levons-nous et reconstruisons ensemble notre Diocèse

ANNEE PASTORALE 2022-2023

Aux Prêtres, Religieux et Religieuses ;

Aux Animateurs pastoraux, Catéchistes et Responsables de CEVB ;

Aux Chrétiens et Chrétiennes du Diocèse d’Idiofa ;

Aux Fils et Filles d’Idiofa répandus à travers le monde ;

Aux Hommes et aux Femmes de bonne volonté.

PREAMBULE

  1. L’Année pastorale 2021-2022, a été marqué par la célébration à Ipamu, première paroisse du diocèse, du premier centenaire d’évangélisation de notre cher et beau diocèse d’Idiofa. Cette célébration inédite et grandiose a connu la participation remarquée et encourageante de son Eminence le Cardinal Archevêque Métropolitain, Fridolin Ambongo Besungu Ofm. Cap, des autres Évêques de la Province ecclésiastique de Kinshasa, de plusieurs délégations notamment celle de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), des autorités politico-administratives et militaires, des membres de notre clergé diocésain et d’ailleurs, des religieux et religieuses, des fidèles laïcs d’Ipamu et d’environs, des hommes et des femmes de bonne volonté1.

  2. Il y a cent ans, en effet, après la création (1908) puis la suppression précoce (1919) du Poste de Pangu par les Pères de Scheut, les missionnaires jésuites, grâce à l’abbé Hyancinthe Vanderjest et au Père Yvon Struyf, alias ‘Mfumu Ivon’, arrivaient à Ipamu et fondaient le Poste de mission d’Ipamu (1922), qui deviendra le point de départ du futur Diocèse d’Idiofa. Comme du grain tombé sur la bonne terre (Mt 13, 8), « Maman Ipamu » fera preuve de grande fécondité. De ses entrailles naîtront plusieurs Paroisses, Sous-paroisses et Communautés ecclésiales vivantes de Base (CEVB, Bimvuka ya Lutondo)2. A ce jour, notre Diocèse compte 43 Paroisses, 47 Sous-paroisses et 290 Communautés ecclésiales vivantes de Base3. Il est heureux de mentionner que le centenaire d’Ipamu, et partant celui du Diocèse d’Idiofa tout entier, a ouvert la voie à une série de plusieurs autres centenaires dont les plus proches sont ceux des Paroisses de Kilembe (2023), de Mwilambongo (2026) et de Mapangu (2026).

  3. Ainsi, la date du 05 juin 2022, fête de la Pentecôte, restera une date mémorable, hautement symbolique, significative et engageante pour l’histoire et l’avenir de notre Diocèse. Elle marque le passage d’un centenaire à l’autre et rappelle à jamais l’entrée de notre Diocèse dans son deuxième centenaire. Mais il y a plus encore. Cette date fait de nous non seulement des héritiers, mais aussi des pionniers et des bâtisseurs du nouveau centenaire.

  4. Pour ce faire, chers chrétiens et chrétiennes, fils et filles d’Idiofa, hommes et femmes de bonne volonté, ne rêvons plus. Nous sommes de plain-pied dans le deuxième centenaire de notre Diocèse. Quelle grâce ! quel bonheur avons-nous (Lc 1, 43) d’être de ceux et de celles qui auront vécu ce moment qui, en plus de faire notre fierté, nous responsabilise et nous engage à agir toujours ensemble pour la mission. C’est dans cet esprit que nous serons capables d’assurer la relève missionnaire en assumant le présent de notre Diocèse et en rassurant, avec l’aide de Dieu, son avenir.

  5. Ce premier centenaire d’évangélisation est, à mes yeux, un kairos, c’est-à-dire à la fois, un moment favorable à ne pas rater et un temps pour faire advenir la nouveauté. L’occasion nous est donnée de regarder avec admiration et reconnaissance le passé, de dépoussiérer le présent et de prendre des engagements sérieux et responsables pour le nouveau centenaire et le renouveau de notre diocèse. C’est pourquoi, comme membre de l’Eglise famille de Dieu d’Idiofa et son pasteur propre, j’ai pris l’initiative de vous adresser, au début de cette année pastorale 2022-2023, cette lettre pastorale qui porte sur trois points essentiels, à savoir : Action de grâce et gratitude (I), Regard sur le premier centenaire (II) et Perspectives pour le nouveau centenaire(III).

  1. ACTION DE GRÂCE ET GRATITUDE

  1. «  Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon sauveur » (Lc 1, 46). Avec ces premiers mots du Magnificat, comme la Bienheureuse Vierge Marie, rendons grâce à Dieu, le Père de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, qui dans son amour infini « visite et rachète son peuple » (Lc 1, 68). Il est l’auteur, l’origine et la finalité du projet de salut et d’évangélisation de notre diocèse. Hors de lui, les premiers missionnaires et nous-mêmes aujourd’hui, ne pouvions rien faire (Jn 15, 5). Rendons-lui grâce, par son fils dans l’Esprit ; célébrons son nom à jamais, car il a fait et continue à faire des merveilles pour nous.

  2. Rendons grâce à Dieu pour notre cher diocèse d’Idiofa, pour la Paroisse-mère d’Ipamu et pour les missionnaires (Pères de Scheut, Jésuites, Oblats de Marie-Immaculée, différentes Congrégations féminines, Prêtres diocésains) qui nous ont évangélisés en premier. Ces vaillants missionnaires, dont la plupart arrivaient chez nous à fleur d’âge, malgré les intempéries et tant d’autres difficultés, nous ont annoncé la bonne nouvelle du salut. Ils ont construit, bien sûr avec l’apport des populations autochtones, la plupart des infrastructures de nos Paroisses et doté nos premières Missions des abécédaires du développement intégral. D’autres parmi eux ont même perdu ou payé de leur vie à cause des intempéries, des maladies, de l’inadaptation au climat, de la rébellion et de la violence humaine4. Au-delà de certains dérapages, il y a là un témoignage de foi et un sens élevé de sacrifice à saluer avec gratitude et reconnaissance.

  3. Grâce devrait aussi être rendue à Dieu pour nos Evêques et Pasteurs, nos Prêtres diocésains, les Congrégations religieuses, les Animateurs pastoraux, les Catéchistes, les Lemba bimvuka et tous les autres fidèles laïcs. Ils ont eu le mérite et le courage, pour certains de collaborer directement avec les premiers missionnaires et, pour d’autres, d’assurer la relève après le départ des missionnaires.

  4. Je tiens aussi à remercier tous les fils et toutes les filles d’Idiofa, les bienfaiteurs et les bienfaitrices, les hommes et les femmes de bonne volonté qui avaient contribué tant financièrement, matériellement que spirituellement à la réussite de la célébration de la clôture du premier centenaire. L’événement d’Ipamu mérite non seulement éloges, encouragements et gratitude de notre part, mais aussi et surtout nécessite et oblige d’être réalisé dans d’autres paroisses5 dont les infrastructures laissées par les missionnaires sont dans un état de délabrement avancé. Voilà pourquoi,  « tout en disant merci à toutes les personnes qui nous ont aidés à réhabiliter le presbytère d’Ipamu, les invitant à ne pas nous lâcher pour que demain Kilembe revête une nouvelle parure, qu’après-demain il en soit de même pour Mwilambongo, Mapangu, ainsi de suite. J’exhorte tous ceux qui se sont comportés jusque-là en spectateurs de nous rejoindre dans cette barque de la reconstruction de notre diocèse »6.

  5. Je saisis l’opportunité pour inviter davantage les fils et filles d’Idiofa à la gratitude et à la générosité ; à ne jamais être ingrats envers Dieu, ni envers leur diocèse, leurs paroisses et leurs villages. Le Diocèse d’Idiofa est une mère. Le Diocèse d’Idiofa est votre mère. Il vous a « engendrés », éduqués, soignés, développés et ouverts à des horizons multiples.

  1. REGARD SUR LE PREMIER CENTENAIRE

  1. Il n’y a pas d’avenir sans souvenir, dit-on. Et d’aucuns d’ajouter : « un peuple sans histoire, est un peuple sans âme » ! Aussi la célébration du premier centenaire nous incite-t-elle, sans prétendre faire œuvre d’historien ou de chroniqueur, à non seulement regarder avec admiration et reconnaissance le passé de notre diocèse, mais aussi à dépoussiérer ses zones d’ombre avant d’envisager le nouveau centenaire avec lucidité et responsabilité.

  2. Tout d’abord sur le plan sacramentel et liturgique. Il est heureux de constater que durant le premier centenaire les sacrements ont été dignement et fréquemment administrés au diocèse d’Idiofa. A titre d’exemple, depuis son érection jusqu’à ce jour7,  notre diocèse a administré à environ 2.732.106 personnes le sacrement de baptême, à 1.210.506 celui de confirmation, à 1.558.106 celui de communion et à 640. 900 couples celui du mariage8. En ce qui concerne la liturgie, le diocèse d’Idiofa s’est illustré dans le domaine de l’inculturation dont le maître mot aura été la participation active, effective et consciente de tout le peuple de Dieu aux mystères salvifiques célébrés9. A Idiofa, Dieu se célèbre par le chant, la danse et le rythme. Loin de sombrer là dans un particularisme béant et sans esprit ecclésial ou de faire de l’action liturgique un spectacle folklorique et d’autoglorification de l’humain, le diocèse d’Idiofa a, dans l’esprit même de la Constitution Sacrosanctum Concilium du Concile Vatican II et dans la droite ligne pastorale adoptée par l’épiscopat congolais dans son ensemble dès 196110, enrichi le patrimoine liturgique de l’Eglise universelle, entre autres, par ses chants liturgiques contenus dans le célèbre recueil Kembila Nzambi.

  3. Expression du génie culturel, de talents immenses et d’inspiration de l’Esprit-Saint, le Kembila Nzambi est, à mon sens, un instrument précieux d’évangélisation et un patrimoine qui fait la fierté de notre Diocèse en RDC, en Afrique et partout ailleurs dans le monde. Aussi faut-il mentionner d’autres initiatives d’inculturation notamment la traduction en Kikongo, quelquefois en collaboration avec les Diocèses voisins de Kikwit et de Kenge, de livres liturgiques (ex : Kimenga ya misa et récemment la bible11) et les mbay-mbay. Sous ce registre d’inculturation liturgique, il faut aussi souligner que le Diocèse d’Idiofa, comme bien d’autres Diocèses de la RDC, a contribué à l’élaboration et à l’expérimentation du rite inculturé de la messe, qui deviendra le Missel romain pour les Diocèses du Zaïre (MRDZ). C’est ainsi que quelques pages du Kembila Nzambi sont consacrées au rituel de la messe selon le MRDZ.

  4. Dans le domaine de l’évangélisation et de la pastorale, notre Diocèse a fait preuve de fécondité, de dynamisme et d’inventivité. L’évangélisation, rappelons-le à la suite du Pape Paul VI, est l’identité la plus profonde et la raison même d’être de l’Eglise dans le monde12. Au moyen de l’annonce de la Parole, de la célébration liturgique, de la diaconie et de la recherche de la communion, l’Eglise réalise la visée ultime de sa mission évangélisatrice qui est de construire le corps mystique du Christ et d’apporter le salut intégral au genre humain. Après avoir évoqué dans les lignes précédentes la célébration liturgique, nous constatons avec joie au début du deuxième centenaire que la bonne nouvelle de Jésus-Christ a été à ce jour annoncée dans toute l’étendue de notre Diocèse.

  5. Aussi, conformément à l’option pastorale décrétée par l’épiscopat congolais dès 1961 en faveur de la création de petites Communautés Ecclésiales Vivantes de Base (CEVB), l’Eglise Famille de Dieu d’Idiofa, en plus de paroisses et de sous-paroisses, a-t-elle non seulement créé des CEVB, mais aussi et surtout, su trouver une expression théologiquement crédible, ecclésiologiquement pertinente et pastoralement percutante pour désigner ces petites communautés : « Bimvuka ya lutondo » (Communautés d’Amour, Communauté de partage et de solidarité). Les Bimvuka ya lutondo sont ainsi, à l’instar des premières communautés chrétiennes, des petites communautés de proximité et de fraternité qui, assidues à l’écoute de la parole de Dieu, aux prières (Ac 2, 42) et mues par l’élan d’amour, permettent à leurs membres de rester solidaires et de répondre le mieux possible aux exigences de la vocation chrétienne et aux problèmes ou aux défis de la vie. Lieux d’entraide, de partage et de conscientisation, les Bimvuka ya lutondo dépassent ainsi les limites claniques et ethniques pour ouvrir à leurs membres les portes de la grande famille humaine et de la famille des enfants de Dieu.

  6. Voulant sauver tout homme et tout l’homme, c’est-à-dire l’humain dans son intégralité et sa diversité, le diocèse d’Idiofa a diversifié son action pastorale durant le premier centenaire touchant ainsi les différents secteurs-clés de la vie humaine, chrétienne et ecclésiale, en l’occurrence : la catéchèse et l’annonce de la bonne nouvelle du salut en Jésus-Christ, la pastorale des vocations, les groupes à charisme propre et les mouvements d’action catholique, l’éducation, la santé, le développement, la culture.

  7. Sur le plan catéchétique, la visée du diocèse d’Idiofa aura été, durant le premier centenaire, dans le respect de textes de la hiérarchie ecclésiale13 et au regard de son contexte particulier, de proposer aux catéchumènes et aux chrétiens de tous les âges une catéchèse inculturée et contextualisée 14 dont le point de départ et d’appui est la personne même du Christ et sa bonne nouvelle venant rejoindre chacune de nos existences et de nos périphéries15. Il faut saluer à juste titre le travail du Bureau diocésain de la pastorale et de Catéchèse, ainsi que le travail de tous ses collaborateurs et l’apport de partenaires, dans le recrutement et la formation de catéchistes qui comme des hérauts, depuis l’époque missionnaire jusqu’à aujourd’hui, crient et annoncent la bonne nouvelle de Jésus-Christ dans nos paroisses, sous-paroisses et dans les Bimvuka ya lutondo. Grâce à eux, le Christ a rejoint et continue à transformer les périphéries de notre diocèse.

  8. Idiofa est une terre de vocations16. En effet, « dans quelle congrégation ou diocèse, proches de nous surtout, ne trouve-t-on pas des fils et filles d’Idiofa ! L’évêque d’Idiofa n’arrive presque jamais quelque part, sans rencontrer un de ses fils ou une de ses filles »17. Cela étant, il s’avère que durant le premier centenaire et à l’aube de ce deuxième, notre diocèse n’a cessé d’offrir à l’Eglise des vocations à la vie sacerdotale et religieuse. A ce jour, en plus de ses fils et filles qui sont ailleurs comme consacrés, 270 prêtres ont été ordonnés pour le compte du diocèse d’Idiofa. Le Diocèse d’Idiofa compte aussi 31 religieux, 95 religieuses, 12 demoiselles consacrées, 20 animateurs pastoraux et 69 séminaristes.

  9. Plusieurs groupes à charisme propre, groupes d’encadrement de la jeunesse et mouvements d’action catholique ont contribué et contribuent encore à la vitalité et au rayonnement de la foi chrétienne dans l’Eglise Famille de Dieu qui est à Idiofa. A titre illustratif, nous pouvons mentionner Femmes seules avec Jésus, le Renouveau charismatique catholique, la légion de Marie, le Mouvement des Focolari, la confrérie du saint rosaire, le groupe Kizito et Anuarite, les Bilenge ya mwinda, les scouts, les mamans catholiques et la communauté famille chrétienne.

  10. En ce qui concerne l’éducation, le diocèse d’Idiofa est, si pas le pionnier, le collaborateur de première heure de l’Etat congolais en cette partie du Pays. A n’en pas douter, au sortir du premier centenaire, notre diocèse compte au moins 1146 Institutions scolaires dont 108 Écoles maternelles, 651 Écoles primaires et 387 Écoles secondaires. Il est en ainsi parce que nos prédécesseurs et nous-mêmes sommes convaincus « que l’éducation est le levier le plus puissant pour déplacer les montagnes de l’ignorance (…) l’arme la plus puissante pour inventer l’avenir »18. Beaucoup de nos écoles de missions gardent encore leur statut d’écoles d’élite et tiennent la tête de peloton aux examens d’Etat. Dans ce souci de donner l’envie d’apprendre aux jeunes garçons et filles, j’ai créé le Complexe Scolaire qui porte mon nom et qui provoque déjà des émules. Notre sens managérial a porté jusqu’au niveau international un moteur de recherche « schoolap », œuvre ingénieuse de nos jeunes chercheurs originaires d’Idiofa (un prêtre et un laïc).

  11. Parmi les Écoles secondaires, évoquons explicitement le Petit Séminaire Sainte Thérèse de l’enfant Jésus Laba, qui cette année célèbre ses 75 ans d’existence. Ce Petit Séminaire, fondé à Ipamu puis transféré à Laba, a formé à ce jour plusieurs prêtres diocésains et religieux dont deux parmi eux sont devenus Évêques (Mgr Eugène Biletsi Onim et Mgr Louis Mbwol Mpasi), des chrétiens laïcs convaincus et consciencieux qui sont au service de l’Eglise, de la société congolaise et de l’humanité tout entière.

  12. A côté des Institutions scolaires, Idiofa a un Institut Supérieur (Institut Supérieur de Développement Rural/ISDR Mbeo avec une Aumônerie Catholique et une Paroisse Universitaire) ainsi qu’une faculté interdiocésaine de l’Université Catholique du Grand Bandundu/UCGB, la faculté des Sciences Economiques et de Gestion. En réalité, comme Évêque, nous nous rendons davantage compte que l’une des grandes richesses de notre Diocèse est la « matière grise » ou l’intelligence qu’il « regorge » ou « produit ». Notre pastorale encore faible dans le milieu universitaire et auprès des intellectuels s’éveille tout doucement grâce à la présence des prêtres et des consacrés comme professeurs ou aumôniers.

  13. Pour ce qui est de la santé, Idiofa compte aujourd’hui 1 Bureau diocésain des œuvres médicales (BDOM), 32 Institutions sanitaires dont 21 Hôpitaux et 11 Centres de santé, quelques Instituts des techniques médicales. Il y a également un dépôt relais de la CAMEBASU. A l’aube du deuxième centenaire, il est heureux de constater que notre diocèse compte parmi les médecins des prêtres et des religieuses.

  14. Conformément à l’enseignement social de l’Eglise, le Diocèse d’Idiofa, en plus des dimensions spirituelles, de la santé et de l’éducation dont nous venons de parler, s’est distingué dans le domaine du développement humain intégral19 et solidaire20 durant le premier centenaire. Il a initié et soutenu plusieurs projets et actions de développement touchant les domaines du progrès humain, de l’agriculture, de l’élevage, de la pisciculture, de la santé, de l’éducation, de la culture. Avec le DPP, le COMBILIM, la CARITAS-DÉVELOPPEMENT (BDOM, BDD et BDC), la Commission « Justice et Paix » (Masonga ke buta ngemba), le Service diocésain de construction, l’Eglise Famille de Dieu d’Idiofa a rendu et rend encore un grand service à la population qui, en majorité, est très pauvre. Parlant spécialement du service de construction, il est depuis peu dirigé par un ingénieur prêtre formé pour le besoin de la cause.

  15. Dans le domaine de la culture, le diocèse d’Idiofa a été, durant le premier centenaire, un des acteurs majeurs dans la contrée au moyen de l’éducation, de la promotion et du parrainage de plusieurs activités socio-culturelles et sportives, des initiatives d’alphabétisation et de rééducation de jeunes filles-mères. Il a en outre contribué à la formation, à l’information et au divertissement de la population grâce à la Radio et à la Télévision diocésaine (RTDI).

  16. Cependant, il nous faut courageusement reconnaître qu’à l’époque de premiers missionnaires, et même juste après leur départ, les peuples autochtones ont perdu une bonne partie de leurs patrimoines socio-culturels et religieux, considérés en bloc et parfois sans discernement véritable de pratiques démoniaques et donc contraires au Christianisme. Quoi qu’il en soit, notons qu’avec les efforts d’inculturation et au regard des précieux enseignements du Magistère sur la culture21, les attitudes envers les cultures traditionnelles ont positivement évolué, si bien que certains instruments traditionnels, comme le tam-tam, ont été admis dans les célébrations liturgiques. Ces dix dernières années, avec l’encadrement d’une pharmacienne, nous avons développé une attention accrue sur les plantes médicinales. A l’instar du festival de Gungu, nos groupes folkloriques sont valorisés et nos artisans, notamment du raphia, encouragés.

  17. A côté de ce tableau largement lumineux, signalons aussi que notre diocèse a connu et traversé durant le premier centenaire certaines zones d’ombre. Ces dernières ont parfois eu de conséquences déplorables. Nous voudrions à titre illustratif évoquer le domaine du vivre-ensemble et celui de la santé économique du diocèse.

  18. Le diocèse d’Idiofa, on le sait, est composé de plusieurs tribus et ethnies. Celles-ci constituent à vrai dire une richesse extraordinaire dont le Seigneur a doté notre diocèse. Les différences linguistiques ou l’appartenance à tel ou tel groupe ou coin du diocèse ne devraient pas en réalité constituer des obstacles au vivre-ensemble. Bien au contraire, dans la dynamique de la Pentecôte (Ac 2, 1-11) et l’esprit de premières communautés chrétiennes (Ac 2, 44-46), elles devraient être des sources d’enrichissement mutuel et des points d’appui pour l’unité dans la diversité et la croissance de notre diocèse. A la suite de Saint Augustin d’Hippone et de la théologienne congolaise Sr. Josée Ngalula, nous sommes convaincu que l’Eglise « croîtra jusqu’elle possède toutes les langues »22. Fort malheureusement, il est arrivé parfois que les différences et les appartenances linguistiques aient été source d’attitudes et de comportements contraires à l’esprit évangélique et d’Eglise. Cela a donné lieu aux pratiques et vices décriés de tous tels que le tribalisme, le régionalisme, des petites guerres froides, des relations superficielles et hypocrites, le repli identitaire, voire l’égoïsme et l’individualisme. Nous sommes convaincus que si la tribalité est une donnée anthropologique nécessaire à laquelle personne n’échappe et même une valeur, le tribalisme, quant à lui, est une tare et un contre témoignage flagrant. Le projet véritable de Dieu depuis la création est de réunir en vue du salut les hommes de toutes tribus, langues, peuples et nations en une seule famille, la famille des enfants de Dieu (Cf. Is 66, 18-21). C’est ainsi que malgré la diversité de ses disciples présents et futurs, Jésus dans la prière sacerdotale demande avec insistance au Père de les garder dans l’unité : « Père qu’ils soient un comme nous sommes un » (Cf. Jn 17, 20-23). Le vivre-ensemble est un bien commun à construire et à préserver en vue de la fécondité et de l’efficacité de la mission.

  19. Sur le plan économique, l’histoire retient que le diocèse d’Idiofa a été l’un des diocèses de la RDC, au regard de son potentiel humain et de ses infrastructures, bien partis pour s’assurer un matelas financier confortable et une autonomie financière nécessaires pour la prise en charge de ses clercs et de laïcs commis à certains offices ecclésiastiques stables, le financement des activités pastorales et de développement, la rémunération des travailleurs, etc. Mais avec la situation dégradante du pays, et surtout les causes internes, notre diocèse a connu une régression déplorable. Une telle situation de crise économique, qui date d’ailleurs de plusieurs décennies, nous devons courageusement le reconnaître, a eu véritablement des conséquences sur le financement et même l’efficacité des activités pastorales. Soyons réalistes et vrais : s’il est évident que l’argent n’est pas un bon maître (Cf. Mt 6, 24 ; Lc 16, 13) pour la pastorale, il en est tout au moins un bon et nécessaire serviteur.

  20. D’autres zones d’ombre pourraient être évoquées notamment des excès et erreurs constatés dans certaines célébrations eucharistiques, la crise d’identité, l’irresponsabilité, la négligence (notamment dans le remplissage des documents d’archives de la paroisse), le manque d’enthousiasme et le désintérêt, la pratique des exorcismes publics et solennels sans mandat de l’Evêque, le peu d’empressement à revenir au diocèse après un séjour d’études ou la fin d’une mission fidei donum, la littérature inutilement acide et toxique, les violences diverses faites aux agents pastoraux et aux laïcs en mission d’Eglise quelques fois parce qu’ils ne sont pas de la même ethnie. Cependant, pour ne pas, d’une part, répéter les mêmes erreurs, d’autre part, devenir fatalistes et se résigner, il importe maintenant de penser à l’avenir : Que devons-nous faire pour le nouveau centenaire ? (Cf. Lc 3, 10-18).

  1. PERSPECTIVES POUR LE NOUVEAU CENTENAIRE

  1. « A vin nouveau outres neuves » (Mc 2, 22). L’entrée dans le nouveau centenaire est une opportunité que nous offre le Seigneur non seulement de regarder le passé, mais aussi et surtout d’envisager l’avenir de notre diocèse avec espérance, sens de responsabilité et énergies nouvelles. Oui l’amour du Christ et de son Eglise qui est à Idiofa nous pousse et nous presse (2 Co 5, 14). Il nous pousse et nous presse à assumer en toute responsabilité notre statut d’héritiers du premier centenaire et notre rôle de bâtisseurs du nouveau centenaire. C’est ainsi qu’en tant que Pasteur propre d’Idiofa, je me fais le devoir de proposer quelques perspectives pour cette nouvelle étape d’évangélisation de notre diocèse. Ces perspectives ne traitent pas en détails et de manière technique de tout. Mais elles proposent des points d’insistance et des repères qui devront guider la vie du diocèse durant le nouveau centenaire. Dans un esprit synodal et d’Eglise, elles pourront être approfondies et enrichies au niveau de Bimvuka ya lutondo (CEVB), de Sous-paroisses, de Paroisses, de Structures diocésaines des communautés religieuses et sacerdotales et dans les recherches scientifiques appropriées. Il s’agira de : identité chrétienne, évangélisation en profondeur, synodalité et coresponsabilité, prise en charge du Diocèse par ses propres fidèles et autonomie financière, reconstruction et maintien de notre patrimoine immobilier, dialogue, pardon et réconciliation, conversion et désir de sainteté.

  2. Nous voudrions en premier lieu insister sur l’identité chrétienne reçue au baptême, nourrie et soutenue par les autres sacrements. Par l’eau du baptême, en effet, nous sommes ensevelis avec le Christ et avec lui nous ressuscitons (Rm 6, 4 ; Col. 2, 12). Par l’onction du saint chrême, le baptême configure chaque chrétien au Christ Prêtre, Prophète et Roi. Il fait de lui une nouvelle créature (2 Co 5, 17), si bien que l’homme ancien s’en va et commence l’homme nouveau créé juste et saint à l’image de Dieu (Ep 4, 24). Il est clair que par l’eau du baptême et l’esprit-saint reçu, le chrétien acquiert une nouvelle identité, celle d’enfant de Dieu et devient par le fait même fils dans le fils. Cette identité chrétienne assume, dépasse et accomplit véritablement les identités ethniques, tribales ou linguistiques.

  3. S’il en est ainsi, et comme la tradition théologico-éthique catholique l’enseigne si bien agere sequitur esse (l’agir suit l’être) ou mieux esse sequitur agere (l’être suit l’agir ou l’agir révèle l’être), il importe que l’agir de chrétiens et de chrétiennes d’Idiofa déploie et révèle leur être christique ou leur profonde identité chrétienne. De telle sorte, en les voyant vivre et agir dans les divers secteurs de la vie ecclésiale, sociale, politique, professionnelle, le monde rendra gloire à Dieu leur Père (Cf. Mt 5, 16). Comme le dit le Christ : « C’est à ses fruits que l’on reconnaît l’arbre » (Cf. Mt 7, 16). Voilà pourquoi, un minimum de cohérence est nécessaire et requis entre l’être du chrétien catholique ou son identité de baptisé et son agir ou ses œuvres. Cette identité chrétienne catholique, sans faire obstruction aux efforts de dialogue œcuménique23 ou interreligieux24, ni enfreindre à la liberté religieuse25 et au caractère laïc de l’Etat congolais26, devrait se vivre et se faire remarquer dans nos institutions éducatives, sanitaires, communicationnelles et dans nos différents projets de développement.

  4. Ce que nous disons de l’identité chrétienne en général vaut mutatis mutandis pour l’identité sacerdotale et religieuse. Que nos prêtres, par leur vie pauvre, obéissante et chaste, soient des signes vivants de l’ordre surnaturel, des ambassadeurs enthousiastes et des témoins joyeux du Christ vivant. Notre vœu le plus ardent est que nos séminaristes et tous les jeunes en formation aujourd’hui – prêtres, religieux et religieuses de demain – en prennent conscience et s’y exercent avec abnégation et générosité.

  5. La question de l’identité appelle celle de l’évangélisation en profondeur, c’est-à-dire, une évangélisation qui touche l’« intériorité vitale », qui rejoint et transforme l’humain dans sa profondeur anthropologique et culturelle, son âme profonde et ses aspirations légitimes avec la force et la lumière de l’évangile. D’où, l’importance dans ce nouveau centenaire de poursuivre dans notre Diocèse le travail d’inculturation sous l’inspiration de l’Esprit-saint et dans le respect de ce qu’enseigne l’Eglise à travers le Magistère. Bien plus, il est plus que jamais nécessaire de redynamiser les différents secteurs de la pastorale diocésaine, de renouer avec la pastorale de proximité dans les Bimvuka ya Lutondo et surtout de prendre en compte les nouveaux défis pastoraux. Ces nouveaux défis sont multiples et liés, entre autres, aux finances, à l’environnement et la sauvegarde de la maison commune27, à la montée en flèche de l’Islam et de nouveaux mouvements religieux (NMR), aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), à la mondialisation économique et culturelle, à la politique et aux exigences de la démocratie dans notre pays, aux nouveaux problèmes de santé et de la société, à certains scandales dans l’Eglise, aux avancées biotechnologiques, aux phénomènes et faits sociaux comme la violence et le banditisme de jeunes

(Ex : « Bases »), à l’accompagnement et la prise en charge de personnes âgées ou vulnérables notamment les prêtres du troisième âge ou les prêtres malades. Dans ces différents domaines, il est aussi d’un grand intérêt que tous les agents pastoraux de notre diocèse prennent connaissance, comprennent et tirent profit de l’Accord-cadre et des Accords spécifiques signés entre le Saint-Siège et la République démocratique du Congo sur les matières d’intérêt commun. Il importe de souligner que l’Eglise n’aura jamais les moyens de l’Etat. Pour jouer son rôle, elle est en droit d’attendre de l’Etat tout le soutien dont elle a besoin.

  1. L’évangélisation en profondeur suppose la synodalité et la coresponsabilité. En effet, depuis le mois d’octobre 2021, le Saint Père François a engagé l’Eglise tout entière sur le chemin du synode (chemin ou route ensemble) en trois phases : phase diocésaine (octobre 2021-Avril 2022), phase continentale (septembre 2022- mars 2023) et phase universelle (octobre 2023). Ce grand événement ecclésial, dont les maîtres mots sont communion, participation et mission, est porteur d’une vision et d’une manière d’être Eglise dont on retrouve déjà des traits saillants dans la constitution dogmatique Lumen gentium du Concile Vatican II. L’Eglise est le peuple de Dieu28 en marche ou en sortie. Ce peuple de Dieu en vue de la mission, de sa croissance et du bien de tout le corps29 est constitué des clercs et des laïcs. En vertu de la grâce baptismale, tout ce peuple, dans un élan de communion et sans discrimination, est appelé à participer chacun selon son état à la mission que l’Eglise a reçue du Christ. L’Eglise est ainsi une famille, la famille des enfants de Dieu, dans laquelle chacun a une place et un rôle à jouer en vue de son édification.

  2. De cette vision de l’Eglise, il ressort que l’Eglise Famille de Dieu d’Idiofa n’est pas une affaire privée de l’Évêque ou du clergé. Tel était déjà le sens du titre de ma lettre pastorale de 2010-2011 : « Idiofa pour Christ » (Idiofa sambu na Kristu). A n’en pas douter, l’Eglise d’Idiofa est et restera l’œuvre de Dieu lui-même (Dibundu ya nkani ya nzambi). Elle est le corps mystique du Christ30 dont celui-ci est la tête et tous les chrétiens d’Idiofa en sont membres (Cf. 1 Co 12, 27). Ils sont tous, en vertu de la grâce baptismale, membres égaux et à part entière de l’Eglise corps du Christ et famille des enfants de Dieu. Ainsi, dans la dynamique de la synodalité, il importe que tous les chrétiens et toutes les chrétiennes d’Idiofa se sentent véritablement membres de leur diocèse ; qu’ils soient tous, sans exception ni discrimination, concernés par la vie et l’avenir du diocèse. Clercs et laïcs, où qu’ils soient à travers le monde qu’ils aiment leur diocèse, s’y intéressent et y restent attachés. Dibundu ya Idiofa kele ya beto yonso. Luzingu, Kutoma ye mpi Kutunga na yo ke ya muntu mosi ve, ya Pisekopo yandi mosi ve, ya Banganga Nzambi bo mosi ve, kansi ya kimvuka ya bakristu ye bana yonso ya Idiofa31.

  3. La synodalité, on le voit, implique la participation de tout le peuple de Dieu, clercs et laïcs, à la vie et à l’activité missionnaire32 de l’Eglise-Famille. Elle conduit à la communion et à la coresponsabilité dans l’Eglise, et par conséquent, s’oppose farouchement au cléricalisme. Dans cette lancée, j’exhorte les clercs de notre diocèse, dans le strict respect de normes de l’Eglise et de sa doctrine, de favoriser et d’encourager les ministères laïcs33 à tous les niveaux de la vie du diocèse. Restant sauves les dispositions doctrinales et canoniques en vigueur, de promouvoir l’accès de laïcs, particulièrement les femmes34, à certains offices ecclésiastiques. Mais pour que cette mission, les laïcs l’accomplissent fidèlement et efficacement, il est nécessaire, en plus de la grâce reçue au baptême, qu’ils soient formés35 sur tous les plans de la vie de l’Eglise (doctrinal, pastoral et catéchétique, liturgique, canonique, etc.)36 et développent les compétences nécessaires dans les autres domaines du savoir.

  4. Aussi, puisqu’elle appelle le peuple de Dieu dans son ensemble à la responsabilité pour la vie et la mission de l’Eglise, la synodalité insinue que ce peuple s’abstienne de la négligence et de l’irresponsabilité qui pourraient avoir des effets néfastes sur la vie et la mission de l’Eglise dans son ensemble. L’irresponsabilité renvoie ici au refus ou à l’incapacité à bien faire et à assumer convenablement sa tâche. Il s’agit aussi de l’incapacité à répondre en âme et conscience de ses actes en trouvant toujours des « boucs émissaires » ou en se cachant derrière certains carcans.

  5. La synodalité et la coresponsabilité nous ouvrent maintenant à la question de la prise en charge de l’Eglise par ses propres fidèles ou au financement local de la mission. Après cent ans d’évangélisation, nous sommes supposés être un diocèse mature et autonome financièrement. Certes, les efforts ont été fournis, nous avons connu une sorte d’âge d’or en matière de développement avec le DPP. Mais nous restons encore un diocèse en bonne partie dépendant, et par conséquent, pas autonome financièrement. Aussi, il n’est un secret pour personne, les subsides venant de Rome baissent sensiblement d’année en année et tendent même à être supprimés. Que deviendrait dans ce contexte la situation économique de notre diocèse ? En Pasteurs avisés, les Évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), depuis quelques décennies en appelaient déjà à la prise en charge de l’Eglise par ses propres fidèles37. Aujourd’hui cet appel se fait plus que pressant pour notre Église particulière d’Idiofa.

  6. C’est pourquoi, j’exhorte les prêtres, religieux et religieuses, les chrétiens et chrétiennes, les fils et filles d’Idiofa, les hommes et les femmes de bonne volonté à prendre en charge leur diocèse. Certes, notre population est pauvre, mais si chacun avec générosité et bonne foi contribue à la hauteur de ses moyens, nous pourrons réussir le pari de la prise en charge de notre diocèse et peut-être le miracle de son autonomisation financière. Aussi, j’exhorte ceux et celles qui sont appelés à gérer le bien temporel de l’Eglise d’Idiofa, et partant les contributions des fidèles, à tous les niveaux (CEVB, Sous-paroisses, Paroisses, institutions, structures diocésaines), à faire preuve d’inventivité, à tourner la tête et à proposer de nouvelles stratégies ou de nouveaux secteurs d’investissement pour relever de manière durable et efficace le défi financier. Bien plus, devraient-ils développer les vertus de transparence et de sincérité, le sens de sacrifice et du travail en équipe, le respect du bien commun, l’esprit managérial et la capacité à rendre compte. Dans la même lancée, il est nécessaire pour les signatures de contrats de travail ou tout autre engagement de toujours recourir à l’aide des experts en la matière et aux conseils des personnes avisées.

  7. Faisant suite à ce qui précède, j’en viens maintenant à la reconstruction et au maintien de notre patrimoine immobilier. Nous avons, en effet, hérité de missionnaires des infrastructures immobilières (églises, presbytères, couvents de sœurs, écoles, hôpitaux, logement pour enseignants et personnels de santé) qui ont fait la fierté de nos Paroisses. Aujourd’hui, bon nombre de ces édifices et bâtiments sont dans un état de délabrement et de délaissement qui laisse à désirer. Si l’on n’y prend garde, dans un futur proche, il ne restera dans certaines paroisses que pierres sur pierres (Cf. Lc 21, 6). Quels types d’héritiers serons-nous alors ? Ainsi, comptant sur votre sens d’Eglise, votre bonne volonté et votre générosité, je réitère avec force et empressement mon invitation lancée aux fils et filles d’Idiofa, aux amis de notre Diocèse, aux hommes et femmes de bonne volonté, de rejoindre le bateau déjà en marche de la reconstruction de nos Paroisses, qui après Ipamu, accostera en cette année pastorale à Kilembe, puis en 2026 à Mwilambongo et à Mapangu.

  8. Devenons donc ensemble des constructeurs, des reconstructeurs et des gardiens responsables de notre patrimoine immobilier. Si les premiers missionnaires, avec des techniques et des technologies rudimentaires, ont pu construire des beaux et durables bâtiments, combien à plus forte raison, nous aujourd’hui, avec les avancées considérables réalisées dans le domaine de la construction, ne devrions-nous pas faire autant et même plus ? J’en ai la certitude et la foi que ce qui a été fait à Ipamu est un test qui prouve à suffisance que nous sommes capables de beaucoup, nous fils et filles d’Idiofa, question de bonne volonté, de générosité et de sacrifice pour le plus grand bien de notre Eglise. La reconstruction de nos paroisses est un défi prioritaire que nous lance le deuxième centenaire. Ensemble et main dans la main, nous sommes vraiment capables de relever ce défi.

  9. Après les défis de la prise en charge et de la reconstruction, je voudrais maintenant dans le domaine du vivre-ensemble, m’atteler et marteler sur le dialogue, le pardon et la réconciliation. Partout où il y a des humains, chrétiens soient-ils, il s’avère que la probabilité de conflits et d’incompréhensions existe aussi, donnant parfois lieu dans certains cas à la violence, à la division, aux guerres, aux inimitiés, aux commérages, à l’atteinte physique de l’autre et malheureusement parfois aux meurtres. Ceci n’est pas l’idéal chrétien, mais c’est la réalité de la vie humaine et concrète. A leurs temps, Caïn et Abel (Gn 4, 1-26), Abraham et Lot (Gn 13) et les premières communautés chrétiennes en ont d’ailleurs fait l’expérience. Cependant, si les conflits et les incompréhensions, hier et aujourd’hui, sont des faits humains indéniables, ils n’ont pourtant pas le dernier mot pour les chrétiens. Ils peuvent être assumés, gérés et surtout vaincus au moyen du dialogue, du pardon sincère et de la grâce de la réconciliation.

  10. C’est pourquoi, au seuil de ce deuxième centenaire de notre diocèse, j’exhorte les membres de l’Eglise-Famille de Dieu d’Idiofa, clercs et laïcs, à être des artisans du dialogue, du pardon et de la réconciliation. Le vivre-ensemble harmonieux n’est certainement pas quelque chose de donné ou d’acquis une fois pour toute. Il est un défi à relever, un effort à conjuguer et un projet à réaliser à chaque instant de notre vie au moyen du dialogue, du pardon et de la réconciliation. Devenons ainsi tous ensemble des constructeurs des ponts et non des barrières, des témoins vivants de la miséricorde de Dieu notre Père (Lc 6, 36) et des amis de la paix. Cet exercice exige de nous tous  l’humilité et le refus catégorique de céder à la tentation de souvent instrumentaliser nos appartenances générationnelles, ethniques, tribales, linguistiques et régionales. Un chrétien « catholique », quoi qu’il appartienne à une famille biologique, à un groupe ethnique ou à un espace linguistique et géographique, est un citoyen universel, un membre de la famille humaine dans son ensemble et surtout un membre de la grande famille des enfants de Dieu. C’est dans ce sens que le Saint Père François appelle de toutes ses forces les chrétiens et les chrétiennes à la fraternité universelle et sans frontières38.

  11. Enfin, je voudrais atterrir en mettant en exergue la nécessité de la conversion et le désir de la sainteté. Le regard sur le premier centenaire et les quelques perspectives que nous venons de crayonner comme repères pour le nouveau centenaire, nous exigent de nous engager sur le chemin de la conversion profonde et radicale si nous voulons le changement et le renouveau : « à vin nouveau outres neuves ». De même, j’exhorte mes diocésains et diocésaines, les fils et filles d’Idiofa à désirer la sainteté qui n’est l’apanage d’aucune catégorie dans l’Eglise. Tous nous sommes appelés à la sainteté : « Soyez saints comme votre Père Céleste est Saint, (Mt 5, 48). Et la sainteté rime avec l’efficacité. L’homme est désir. Je demande au Seigneur de creuser ce désir spécifique de la sainteté en nous. Que nous ne restions pas emmurés dans notre faiblesse. Autrement, mais précisément, qu’il nous désarme pour que nous lui laissions toute la place pour qu’il agisse en nous. La sainteté est son attribut : Dieu seul est saint (Cf. Ps 93,5). En nous proposant ce chemin de sainteté, il se propose d’être au centre de notre être. : « Tu ne m’aurais pas cherché si tu ne m’avais pas trouvé » (Saint Augustin d’Hippone). In fine, c’est la sainteté de Dieu qui nous permet de regarder notre passé, notre présent et notre futur avec respectivement gratitude, humilité et courage.

  12. Que la Bienheureuse Vierge Marie, Mère du Rédempteur, elle qui de façon privilégiée a accueilli Dieu en elle, intercède en faveur de notre diocèse en ce nouveau centenaire et nous accompagne tout au long de cette nouvelle Année pastorale 2022-2023.

Donnée à Idiofa, le 18 Septembre 2022

+ José MOKO EKANGA, pss

Évêque d’Idiofa.

1 Cf. José MOKO Ekanga (Mgr), Mot à l’occasion du Centenaire de l’évangélisation du Diocèse d’Idiofa à Ipamu, Idiofa, Evêché/Chancellerie, 2022.

2 Cf. Ibidem.

3 Cf. Archives de la chancellerie d’Idiofa, consultées le 15 avril 2022.

4 Je pense particulièrement aux crimes perpétrés à Kilembe (Pères Jean-Marie Wart, Jules Koen et Abel Pisvin massacrés dans la nuit du 22 Février 1964) et à Mwembe (Père Charles Romens assassiné sauvagement dans sa chambre par un bandit armé le 11 Novembre 1972), ce qui fait de notre diocèse un diocèse de violence commise sur les missionnaires venus nous évangéliser.

5 Cf. Fridolin AMBONGO (Cardinal), Homélie à l’Occasion du centenaire d’évangélisation du Diocèse d’Idiofa, Ipamu, 2022.

6 Cf. José MOKO Ekanga (Mgr), Mot à l’occasion du Centenaire de l’évangélisation du Diocèse d’Idiofa à Ipamu, Idiofa, Evêché/Chancellerie, 2022.

7 Ces statistiques tiennent compte de quelques archives qui se trouvent à la chancellerie. Les statistiques de certaines années ne s’y trouvent pas à cause notamment du transfert du siège du diocèse d’Ipamu à Idiofa, des périodes de rébellion (muléliste et AFDL), et de la négligence de la transmission de certains curés de paroisses.

8 Cf. Archives de la chancellerie d’Idiofa, consultées le 15 avril 2022.

9 Cf. CONCILE VATICAN II, Constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium, n°s 26 et 30.

10 Cf. Actes de la VIème Assemblée plénière de l’Episcopat du Congo, Congo-Léopoldville, Ed. du Secrétariat Général, 1961, p. 28.

11 Biblia ndinga ya Nzambi (Kikongo ya Leta), Verbum Bible, 2019. A l’initiative de Monseigneur José MOKO, Evêque d’Idiofa, approuvée par les évêques de Kenge et de Kikwit.

12 Cf. PAUL VI (Pape), Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, 1975, n° 14.

13 Cf. JEAN-PAUL II (Pape), Exhortation apostolique sur la Catéchèse en notre temps Catechesi Tradendae, Rome, Libreria Editrice Vaticana, 1979.

14 Ibidem, n° 53.

15 Cf. FRANÇOIS (Pape), Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, Paris, Savator, 2013, n° 45-46.

16 Cf. Fridolin AMBONGO (Cardinal), Homélie à l’Occasion du centenaire d’évangélisation du Diocèse d’Idiofa, Ipamu, 2022.

17 José MOKO Ekanga (Mgr), Mot à l’occasion du Centenaire de l’évangélisation du Diocèse d’Idiofa, Evêché/Chancellerie, 2022.

18 José MOKO Ekanga (Mgr), « Qu’on nous regarde comme des serviteurs… ». Homélie à l’occasion de la Fête de Saint Joseph, époux de Marie et de l’inauguration des niveaux bâtiments du Complexe scolaire Mgr José Moko, Idiofa, Evêché, 2019, n° 5.

19 Cf. Fridolin AMBONGO (Cardinal), Homélie à l’Occasion du centenaire d’évangélisation du Diocèse d’Idiofa, Ipamu, 2022.

20 Cf. PAUL VI (Pape), Lettre Encyclique Populorum Progressio, Rome, Libreria Editrice Vaticana, 1967.

21 Cf. CONCILE VATICAN II, Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n°53-62.

22 Cf. J. NGALULA, La mission chrétienne à la rencontre des langues humaines, Kinshasa, Médiaspaul, 2003.

23 Cf. CONCILE VATICAN II, Décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio, n° 1.

24 Cf. ID., Déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes Nostra aetate, n°s 1-5.

25 Cf. ID., Déclaration sur la liberté religieuse Dignitas humanae, n° 2.

26 Cf. Constitution de la République Démocratique du Congo, modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, article 1.

27 Cf. FRANÇOIS, Lettre encyclique sur la sauvegarde de la maison commune Laudato si, Rome, Libreria editrice vaticana, 2015, n°s 1-2.

28 Cf. CONCILE VATICAN, Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen gentium, n° 9 et ss.

29 Cf. Ibidem, n° 18.

30 Cf. Ibidem, n° 7.

31 Cette idée du reste reprise dans les différents cantiques contenus dans le Kembila Nzambi invite à prendre collectivement en charge l’Eglise qui n’appartient ni à l’évêque ni aux prêtres ni aux laïcs mais à eux tous ensemble.

32 Cf. Pour approfondir lire FRANÇOIS (Pape), Discours à la commémoration du 50ème anniversaire de l’institution du synode des évêques (17 octobre 2015) ; SECRETARIAT GENERAL DU SYNODE DES EVEQUES, Pour une Eglise Synodale : Communion, Participation et Mission. Vademecum pour le synode sur la synodalité, Cité du Vatican, Septembre 2021.

33 Cf. PAUL VI (Pape), Lettre apostolique sous la forme de motu proprio  Ministeria Quaedam, Rome, 15 Août, 1972 ; FRANÇOIS (Pape), Lettre au Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur l’accès des femmes aux ministères du lectorat et de l’acolytat, Rome, 2021.

34 Cf. JEAN-PAUL II, Lettre apostolique sur la dignité et la vocation de la femme à l’occasion de l’année mariale Mulieris dignitatem, Rome, 1988, n° 1.

35 Cf. CONCILE VATICAN II, Décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, n° 28.

36 Sur le Plan liturgique l’on se référera avec intérêt à FRANÇOIS (Pape), Lettre apostolique sur la formation liturgique du peuple de Dieu Desiderio desideravi, dans L’Osservatore Ramano, 30 juin 2022.

37 Cf. CONFERENCE EPISCOPALE DU ZAIRE, Prise en charge matérielle de l’Eglise par ses propres fidèles. Directives et orientations pastorales des évêques Zaïre, Kinshasa, Ed. Secrétariat Général de la CEZ, 1995.

38 Cf. FRANCOIS, Lettre encyclique sur la fraternité et l’amitié sociale Fratelli tutti, Rome, Libreria Vaticana editrice, 2020, n°s 1-8.