Les assises de Cana (Symposium diocésain)  organisé à Idiofa du 1er au 4 février 2018, ont connu également l’intervention de Monseigneur José Moko Ekanga  en termes de contribution scientifique.

Texte intégral et téléchargeable en cliquant sur: Dialogue: Une Praxis du vivre ensemble ecclésial

S’il y a un but clairement défini et poursuivi par le concile Vatican II, c’est bien le dialogue[1]. Le dialogue à vivre non seulement au sein de l’Eglise (intra ecclésial, Lumen Gentium), entre les Eglises (Inter ecclésiale, UnitatisRedintegratio), mais aussi le dialogue de l’Eglise avec le monde moderne (Gaudium et Spes). Ce souci du dialogue a prévalu, influencé et façonné la vision des pères conciliaires au point de marquer tous les seize documents promulgués. S’appuyant sur Vatican II, Jan Van CAUWELAERT s’autorise même de penser la « Mission comme dialogue»[2].Bien plus, le missionnaire qui apporte le message évangélique n’est pas un partenaire dans ce dialogue, mais quelqu’un qui le facilite, un catalyseur. Les partenaires du dialogue sont le Christ et le groupe humain dans lequel il s’inculture[3].

Le dialogue serait donc la méthode de Dieu, dans le sens étymologique même du terme grecmetaodos, c’est-à-dire le chemin que Dieu lui-même a emprunté pour rejoindre l’homme. L’histoire du salut raconte précisément ce dialogue long etmultiforme qui part de Dieu et noue avec l’homme une conversation variée et étonnante (cf. Bar.3,38). Et, en ces jours qui sont les derniers, il a parlé à l’humanité par son Fils, Jésus (Héb.1,2), Verbe fait chair (Jn. 1,14).  Si le dialogue du salut fut inauguré par l’initiative divine, l’Eglise doit à son tour l’étendre aux hommes, sans attendre d’y être appelée[4]. Cela exige en premier lieu qu’au sein même de l’Eglise s’installe la pratique du dialogue.

  1. Dialogue intra ecclésial

L’Eglise catholique romaine a fait officiellement le choix du dialogue. Cohérent avec cette vision prophétique du concile Vatican II, il est difficile de nos jours de penser l’Eglise autrement qu’en termes dialogiques, circulaires. Le dialogue dans l’Eglisepostconciliaire s’est imposé comme la ligne directrice, la praxis.Et l’Eglise est mieux accueillie aujourd’hui comme communion, famille, peuple (de Dieu), corps (du Christ),… toutes les expressions et les pratiques allant dans le sens de davantage de proximité favorisant la fraternité. Toute attitude contraire de nature pyramidale, autoritaire, dictatoriale, n’est plus bienvenue et provoque la répugnance, voire la résistance. C’est d’une autre époque, dirait-on. Ce qui s’impose ici c’est la parole même du Seigneur : « Vous êtes tous frères »(Mt 23, 8). L’égalité fondamentale entre les croyants, au sein desquels on reconnait des distinctions, est au cœur même de l’Evangile comme une Bonne Nouvelle. « Le peuple élu est donc un : ‘‘Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Eph. 4,5). La dignité des membres est commune à tous par le fait de leur régénération dans le Christ ; commune est la grâce des fils, communeest la vocation à la perfection, unique est le salut, unique estl’espérance et indivise la charité. Il n’existe donc pas d’inégalité dans le Christ et dans l’Eglise en raison de la race ou de la nation, de la condition sociale ou du sexe, car « il n’y a plus ni juifs ni gentils, il n’y a plus ni esclaves ni hommes libres, il n’y a plus ni hommes ni femmes : vous êtes tous un dans le Christ Jésus »(Gal. 3,28 ; cf. Col. 3,11 ; LG. n°32). Il n’y a pas meilleure mise au point que ce passage qui est en fait une parfaite réception de l’Evangile de Jésus-Christ par son Eglise.

Le saint concile inaugurait ainsi une nouvelle ère pleine d’espoir dans le vivre-ensemble ecclésial. Les distinctions sont ordonnées au service et au témoignage.Il est un devoir pour les docteurs et les pasteurs qui, par la volonté du Seigneur, sont mis à la tête des autres de se mettre au service les uns des autres et au service des fidèles ; et pour ces derniers, de prêter volontiers leur concours aux pasteurs et aux docteurs. L’image qui est utilisée est celle de la diversité des membres dans un corps, en l’occurrence le corps du Christ (1 Cor. 12 ; LG. n°32). C’est lui la tête du corps, le frère aîné d’une multitude des frères, qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir (cf. Mt. 20,28). L’Eglise est donc Corps du Christ, Peuple de Dieu.

Cette conception de l’Eglise Corps du Christ, Peuple de Dieu, a amené Joseph Albert Malula, un des pères conciliaires africains,à mettre en exergue l’esprit du dialogue qu’il considère comme le chemin vers la communion ecclésiale. Mais pour y parvenir, noteMalula,il y a un préalable : « pour ouvrir un dialogue vrai et sincère, il faut le respect de la personne humaine quelle qu’elle soit. Par conséquent il ne s’agit pas d’imposer nos vues, nos façons de faire ; il ne s’agit pas de forcer les gens à admettre ce que nous disons. Notre mission est de leur apporter l’Evangile dans le respect de leur dignité, de leur liberté. Seul Dieu donne la grâce de la foi quand il veut, comme il veut. Notre mission est de prêcher[5]».Malula s’adresse ainsi à ses collaborateurs et collaboratrices dans les années 1964 à la fin du Concile et au moment où laRDCongo venait d’accéder à l’indépendance.Saisi par l’esprit du Concile, Malula se souvient certainement des méthodes d’évangélisation employées jadis et des rapports entretenus avec les populations[6].

La réception du Concile inaugure non seulement une nouvelle façon d’annoncer l’Evangile, mais aussi d’être Eglise. A l’intérieur de l’Eglise, dialoguer sert à construire la communion, à cimenter l’unité. En ce sens, MALULA informe que l’Eglise va vivre la synodalité, la collégialité : « le dialogue va donc s’établir entre le Centre (le Pape) et la Périphérie (les évêques) ». Avant le Concile, les évêques étaient surtout définis par rapport à leur diocèse. A l’évidence, le Concile a eu à insister sur la collégialité mettant ainsi en valeur les conférences épiscopales nationales et régionales. Malula reviendra aussi sur la presbytéralité qu’il entend comme « un autre dialogue au niveau de l’Evêque et de ses prêtres ». Ceux-ci sont, avec les autres ouvriers apostoliques, coresponsables de la mission confiée à l’Evêque. Le dialogue doit s’établir également entre prêtres et prêtres, Frères et frères, Sœurs et sœurs[7].

Le dialogue entre prêtres et laïcs va faire l’objet d’unepetite précision de la part de Malula : « Il y a un domaine qui ne peut être évangélisé que par les laïcs : tout l’ordre temporel »[8].Mais plus tard à Kinshasa, on l’a connu aussi à Idiofa et ailleurs, les laïcs vont assumer des responsabilités et vont jouer le rôle d’animateur (bakambi) dans l’évangélisation et la sanctification, sans que cela n’affaiblisse pour autant les missions spécifiques des prêtres.

L’Eglise postconciliaire offrira à ces différents niveaux de dialogue des structures et des espaces de collaboration et de fraternité : des conseils au service de l’évêque[1], des prêtres[2] et des paroisses[3]. En RDCongo, des espaces, notamment les C.E.V.B. (Communauté Ecclésiales Vivantes de Base) ou à Idiofa les ‘‘Bivumkayalutondo’’, vont porter ce souci du Concile de favoriser la proximité et la fraternité. Il en résulte, dans les meilleurs des cas, une meilleure collaboration dans  l’organisation des communautés ; l’Eglise gagnant ainsi en responsabilité et en participation et enéveilà l’auto-prise en charge.

  1. L’Eglise de dialogue en dialogue

Paul VI avait proclamé que l’Eglise n’est pas elle-même sa propre fin, mais elle a vocation à être tout entière au Christ, à être dans le Christ, sacrement d’unité au service du genre humain[4].En raison de cette lumière, le Concile s’adresse non seulement aux seuls fils de l’Eglise et à tous ceux qui se réclament du Christ, mais à tous les hommes. A tous il veut exposer comment il envisage la présence et l’action de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui (G.S.n°2,1).

Hier, la théologie de l’Eglise considérait surtout sa vie interne ; aujourd’hui, elle voit l’Eglise tournée aussi vers l’extérieur[5]. Et l’extérieur le plus proche, ce sont ‘‘les frères séparés de nous’’ et les croyants en Dieu Un.L’esprit œcuménique et la préoccupation du dialogue avec les grandes religions se sont affirmés avec tant de force au cours du Concile. « …le Concile… après avoir déclaré la doctrine relative à l’Eglise, pénétré du désir de rétablir l’unité entre tous les disciples du Christ, veut proposer à tous les catholiques les secours, les orientations et les moyens qui leur permettront  à eux-mêmes de répondre à cet appel divin et à cette grâce. » (U.R. n°1).Il y a une cinquantaine d’années, l’attention était tournée versles Eglises d’Orient et les Eglises ou confessions issues de la Reforme. On est à se demander aujourd’hui, surtout en Afrique,s’il ne faille pas ajouter sur la liste les nouvelles communautés chrétiennes que nous nommions jadis des « sectes » mais qui se considèrent comme des ‘‘églises’’. Ces dernières recrutent dans nos églises et dans nos familles, et créent des sérieux problèmes de cohabitation, de socialisation. A l’insu d’un œcuménisme théologique qu’elles contournent, ces églises gagnent du terrain et vont jusqu’àdistiller un ‘‘œcuménisme populaire’’ à travers les émissions radiotélévisées, les expressions et les cantiques. Un examen minutieux des prédications de nos prêtres, de notre liturgie de la messe, des veillées mortuaires de nos fidèles, montrent l’ampleur de ce phénomène.Bien plus, favorisées certainement par les pouvoirs en place, qui redoutent l’influence trop critique des ‘’Eglises traditionnelles’’, ces églises prétendent établir uncontre-poids politique. Faut-il continuer à les minimiser, à les ignorer ? Par rapport à notre réception du Concile, la question est : jusqu’où peut aller l’Eglise dans son désir de dialogue ?

Quelle que soit la réponse que nous donnerons, nous savons que l’Eglise doit faire office de rassembleur avec le Christ-Roi à qui les nations ont été données en héritage (cf.L.G. n°13). « L’Eglise reconnait… tout ce qui est bon dans le dynamisme social d’aujourd’hui, en particulier le mouvement vers l’unité, le progrès d’une saine socialisation et de la solidarité au plan civique et économique » (G.S. n°42).  Et elle exhorte les fidèles à s’abstenir de toute légèreté, de tout zèle imprudent, qui pourraient nuire au progrès de l’unité (U.R. n°24). En ce sens, en RDCongo, nous n’avons pas des préoccupations avec les orthodoxes et les anglicans très peu présents dans nos cités. Nous pouvons nous féliciter d’avoir fait des progrès dans les contacts avec les églises ou confessions issues de la réforme. Peut-être devons-nous montrer davantage aux gens que nous sommes proches, que nous annonçons le même Evangile et que nous essayons tous de vivre notre fidélité à ce même Evangile[6]. Nous prions déjà ensemble, à l’occasion de la ‘‘Semaine de l’Unité des Chrétiens’’, du 18 au 25 janvier, nous nous sommes rapprochés pour la traduction de la Bible et sommes solidaires dans la résolution de certains problèmes de société. Il y a ouverture sur le terrain du social, de la politique, de l’intégralité de la créationpour des rapprochements plus profonds.Notre interdépendance nous oblige à penser à un monde unique, à un projet commun[7].

Le Concile Vatican II nous a mis donc sur la bonne voie de la fidélité à l’Evangile du Christ qui a prié en ces termes : « Que tous soient un » (Jn 17,22). A l’époque coloniale, aux premières heuresde l’Evangélisation, les africains étaient scandalisés du fait d’être ensemble en semaine au champ et dans le village pour se retrouver dimanche à des lieux de culte séparés. Aujourd’hui, nous sommes suffisamment outillés pour amortir ce choc. En partant du respect mutuel et de la bonne connaissance de l’autre, nous savons que l’unité ne se confond pas avec l’uniformité et la diversité est légitime et nécessaire[8]. A y regarder positivement l’évolution et le chemin parcouru, on peut apprécier les enrichissements réciproques obtenus à partir de nos différences.

Avec le recul, nous comprenons la portée ecclésiale de la préoccupation œcuménique du Concile. Non seulement ‘‘les frères séparés de nous’’ doivent être accueillis parce que l’Eglise est toujours leur maison dont ils se sont éloignés au cours des vicissitudes de l’histoire[9], mais aussi nous avons en étroite collaboration avec eux à s’impliquer dans la gestion de ‘‘l’autre maison’’ plus grande qu’est le monde. Soulignons ici un fait digne d’être remarqué que l’Eglise de dialogue manquerait à son objectif si elle ne se rapprochait pas des autres églises chrétiennes. Le dialogue entre les églises est nécessaire. Dans les dossiers concrets comme la recherche de la paix, la lutte contre la dictature ou les injustices, les questions d’éthiques et d’environnement, les églises peuvent se rencontrer et si possible parler un même langage.

  1. L’Eglise de dialogue au service du genre humain.

L’Eglise s’est fixée comme orientation le service du genre humain. Le salut apporté par le Christ concerne tout l’homme et tout homme. Tous les hommes sont appelés au salut. Le plan divin consiste à rassembler tous les hommes en seul peuple. Et l’Eglise a reçu du Christ le mandat apostolique : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19-20). Pour réaliser ce mandat, l’Eglise doit être constamment ‘‘en sortie’’. C’est ce que le Pape François ne cesse de nous dire ces derniers temps, lorsqu’il nous invite à partirjusqu’à atteindre les périphéries géographiques et existentielles. L’Eglise est missionnaire ; elle cessera même d’être Eglise si elle n’est plus missionnaire. Cette mission, le Concile l’a comprise aussi comme ouverture permanente et comme étroite solidarité avec l’humanité.

En raison de cette étroite collaboration, le Concile s’adresse non seulement aux seuls fils de l’Eglise et à tous ceux qui se réclament du Christ, mais à tous les hommes. A tous, il veut exposer comment il envisage la présence et l’action de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui (G.S.n°2,1). Le monde qu’il a ainsi en vue est celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers au sein duquel elle vit. C’est le théâtre où se joue l’histoire du genre humain. Il importe de signaler ici que les membres de l’Eglise ne sont pas des spectateurs, ils sont et doivent être des acteurs et jouer pleinement leur rôle. « Que les croyants vivent donc en étroite union avec les autres hommes de leur temps et qu’ils s’efforcent de comprendre à fond leurs façons de penser et de sentir, telles qu’elles s’expriment par la culture » (G.S. n°62,6).  Le Concile a scellé cette destinée commune en ces termes : « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps sont les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ. » (G.S. n°1). L’Eglise se veut solidaire, partie prenante, c’est ainsi qu’elle entend  accomplir sa mission sous le mode prophétique. Sa mission n’est pas de juger le monde de l’extérieur, comme si elle était en face du monde. L’Eglise est dans le monde. Cette prise de conscience de sa position au cœur du monde permet d’accueillir la notion de la communauté humainecomme communauté politique.

L’Eglise est implantée dans l’histoire des hommes parce qu’elle est faite d’hommes, et elle se reconnaît réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. (G.S. n°1) ; le monde est simultanément le théâtre de l’histoire humaine et celui de la réalisation du dessein du salut de Dieu. (G.S. n°2). Il est clair que notre vivre-ensemble ecclésial ne peut se départir de cet environnement humain qui nous entoure. Les membres de l’Eglise sont des personnes avec corps et âme, enracinées dans leurs cultures et citoyens de leurs états.

Ainsi, s’ouvre devant nous tout un champ de réflexion et d’action sur la recherche du bien commun, du bien-être, indispensable aussi aux membres de l’Eglise.  Et, en même temps s’ouvre largement la mission de l’Eglise comme dialogue, écoute,témoignage, levain dans la pâte. L’Eglise a, à partir de l’Evangile et de son expertise en humanité, accumulé avec le temps, quelque chose d’essentiel à dire à l’homme et au monde. Mais l’Eglise n’a pas réponse à tout et n’apporte pas des solutions pratiques à tous les problèmes concrets. Elle n’a notamment pas les moyens des Etats pour prétendre à une telle ambition. En ce sens, dans le respect de la vocation de chacune des institutions, l’Eglise et l’Etat doivent collaborer. Notre vivre-ensemble ecclésial dépend largement de la qualité de cette collaboration. Benoît XVI écrit à ce sujet : « l’Eglise ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible. Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’Etat. Mais elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice. Elle doit s’insérer en elle par la voie de l’argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut s’affirmer ni se développer »[10].

Comme on peut bien le comprendre ce chemin de la saine coopération a pour objectif le bien de tous. L’Eglise et l’Etat ne peuvent impunément s’ignorer mutuellement. Si la communauté politique (gouvernants et gouvernés d’un Etat) ignore l’Eglise, cette communauté se met en contradiction envers elle-même parce qu’elle fait obstacle aux droits et devoirs d’une partie des citoyens. De même, l’Eglise ne peut se replier sur elle-même, sous prétention autarcique, ce qui serait d’ailleurs contraire à sa vocation et àsa mission, sans faire obstacle aux droits et devoirs de ses fidèles vis-à-vis de leur Etat. En ce sens, là où c’est possible, l’Eglise s’arrange toujours à signer des accords avec l’Etat – accords appelés ‘‘Concordats’’ –, dans lesquels l’on coule les solutions concrètes aux questions ecclésiales qui sont en relation avec l’Etat : cas de la liberté de l’Eglise et de ses entités à exercer sa mission ; contrats en matière économique ; jours de fête, etc.

C’est surtout sur les questions mixtes qu’il y a lieu d’attendre cette bonne entente. En effet,il y a des matières pour lesquelles l’Eglise et l’Etat doivent intervenir à partir de leurs compétences et finalités respectives. Parmi ces cas, nous pouvons citer l’éducation, le mariage, la communication sociale, l’assistance aux nécessiteux, etc. Dans ces matières, la collaboration est non seulement nécessaire mais aussi et surtout franche afin que chacun accomplisse sa mission sans empêchement de l’autre.Dans le cadre du mariage, par exemple, il revient à l’Eglise de fixer les normes sur l’administration du mariage parce que celui-ci est un sacrement ; quant à l’Etat, son rôle n’est autre que de réguler les affaires d’ordre civil en la matière : régime de biens entre les époux, etc.

En ce qui concerne notre diocèse d’Idiofa, il importe de saluer avec reconnaissance l’initiative de Mgr René Toussaint de rapprocher le siège du diocèse de celui du territoire. Ce rapprochement permet à l’évêque et à ses services d’être rapidement en contact avec l’autorité territoriale administrative et d’entretenir des relations solidaires et professionnellesavec les agents de l’Etat. Cette position stratégiquemet davantage en exergue le caractère missionnaire et dynamique de l’Eglise.A cet égard, notre Caritas diocésaine et notre Commission Justice et Paix sont toujours en tête de peloton quand il s’agit de servir, de venir en aide à l’homme. Des services que l’autorité étatique et la communauté politique sollicitent et apprécient.

Conclusion

Le dialogue est certainement le fil d’Ariane du Concile Vatican II et devrait être la pratique dans l’Eglise. Si Dieu lui-même est dialogue parce que ‘‘Amour’’, et a emprunté le chemin du dialogue pour atteindre l’humanité, l’Eglise qui se reçoit de Lui ne peut exister et agir autrement. En ce sens, on peut heureusement saluer l’esprit du dialogue inauguré par Jean XXIII, continué par Paul VI, accueilli favorablement par les pères conciliaires et qui ne cesse d’inspirer l’Eglise. L’ère du dialogue ainsi inaugurée a trouvé en Afrique un terrain fertile, notamment chez Joseph Albert MALULA, archevêque de Kinshasa, avec un rayonnement qui a déteint entre autres sur le diocèse d’Idiofa, dont nous mesurons l’impact sociétal dans le cadre de ce symposium. Il est apparu une remarquable réception du Concile, pleine d’inventivité et de créativité, dont les propositions continuent encore à nous inspirer aujourd’hui.

Ce dialogue inter ecclésial ne peut pas oublier que les vicissitudes de l’histoire ont fait que d’autres frères ont quitté la maison (oikia). Ce souci du dialogue avec les églises ou confessions chrétiennes a occupé une partie de notre réflexion et s’est soldé par un appel à maintenir les contacts, à envisager une collaboration étroite dans les dossiers concrets comme la recherche de la paix, la lutte contre la dictature ou les injustices, les questions d’éthiques et d’environnement (ou intégralité de la création).

L’Eglise n’est pas à elle-même sa fin. Le dialogue, qui a été souhaité et soutenu à l’intérieur de l’Eglise, doit s’étendre et guider le rapport de l’Eglise avec le monde. L’Eglise est elle-même dans le monde. De par sa nature et sa mission, soucieuse de la réalisation de l’homme et du monde,  elle est appelée, veut et doit apporter sa contribution. Sur ce terrain du service à rendre à l’homme et à la vie sociale, sa collaboration avec l’Etat est incontournable.Bien que les conditions de cette collaboration soient une matière vaste et délicate, nous nenous sommes pas empêchés à ouvrir à ces deux entités, l’Etat et l’Eglise, un chemin de la saine coopérationpour le bien de tous. Notre vivre-ensemble ecclésial en dépend.

Nous avons gardé tenus ces trois niveaux de dialogue, parce qu’il y va de la praxis de notre vivre-ensemble ecclésial. Sur terrain, dans le concret de la vie, les frontières sont tellement poreuses qu’ignorer un de ces niveauxdudialogue handicaperait fortement la réalisation de l’Eglise comme sacrement du salut.

  Donnée à Idiofa, le 03 février 2018
  + José MOKO EKANGA

Evêque d’Idiofa

 

[1] Dans l’état actuel du droit, l’évêque a comme « sénat et conseil », le chapitre cathédral (can. 391) ou à défaut, le groupe des consulteurs diocésains (cf. can. 423-428). Le décret Christus Dominus parle aussi du Conseil pastoral (n°27).

[2] Le conseil presbytéral et des journées sacerdotales.

[3] Conseil Paroissial.

[4] Y.CONGAR et M. PEUCHMAURD (dir.), Vatican II, l’Eglise dans le monde de ce temps. Réflexions et perspectives, 1967,p.27.

[5] Dans sa constitution ‘’VeritatisGaudium’’ du 29 janvier 2018, le Pape François appelle les universités  et facultés catholiques à une révolution culturelle qui consiste entre autres à promouvoir une authentique culture de la rencontre et du dialogue

[6]Mgr Jan Van CAUWELAERT, La mission aujourd’hui. Mélanges pour le centième anniversaire, Halewijn, 2014, p. 72.

[7] Voir Laudato Si

[8]Ibidem, p. 55.

[9] Cf. A. WENGER, Vatican II, Chronique de la première session, Paris, Centurion, 1963, p. 183.

[10]BENOIT XVI (Papa), Lettre encyclique Deus Caritas est (du 25-XII-2005), nº28.

[1] Alain Patrick DAVID, Le Rapport de l’Eglise-monde dans les interventions des évêques d’Afrique noire aux assemblées du synode des évêques de 1967-2009, L’Université de Laval, 2015, p. 281.

[2] Mgr Jan Van CAUWELAERT, La mission aujourd’hui. Mélanges pour le centième anniversaire, Halewijn, 2014, p. 23.

[3]Ibidem.

[4]Cf.Paul VI, EcclesiamSuam, n°67.

[5] J.A. MALULA, Lettre à mes collaborateurs et collaboratrices n°4, dans L. de Saint MOULIN (Ed.), Œuvres complètes, vol. 2, p. 165.

[6] « Les évêques africains songeaient ici à l’importance de la socialisation, à la condamnation du colonialisme et de la discrimination raciale, à l’aide au développement – car la pauvreté grandissait en Afrique et en Amérique latine – et à une meilleure représentation du Tiers monde dans la commission chargée de ce texte. » (voir Jan Van, p. 53). Le texte dont il est question ici est la Constitution ‘‘Gaudium et Spes’’

[7]J.A. MALULA, Lettre à mes collaborateurs et collaboratrices n°4, dans L. de Saint MOULIN (Ed.),Œuvres complètes, vol. 2, p. 166. On lira avec fruit Presbyterorumordinis n°8 insistant sur le presbytérium comme ‘‘corps des prêtres ». Le ministère du prêtre n’est pas à vivre isolément ; il est à vivre dans une union fraternelle et dans une intense coopération entre prêtres.

[8] J.A. MALULA, Lettre à mes collaborateurs et collaboratrices n°4, dans L. de Saint MOULIN (Ed.),Œuvres complètes, vol. 2, p. 166.