« A semer trop peu, on récolte trop peu; à semer largement, on récolte largement » (2 Co 9, 6). C’est par cette affirmation proverbiale citée par l’apôtre Paul que je commence cette homélie.

C’est en ces termes que Monseigneur José Moko a introduit son homélie à  l’occasion des ordinations diaconale et sacerdotale, le 4 août 2019 combinées à la commémorant de sa dixième année d’épiscopat au diocèse d’Idiofa.

Voici l’essentiel de son texte en français; texte que l’on peut télécharger en cliquant sur: Homélie du 04 août 20199

Très chers frères et sœurs

  1. La providence a voulu que je me retrouve, il y a de cela dix ans, à la tête de ce diocèse d’Idiofa que je ne connaissais que de nom. Quelle aventure humaine et spirituelle! Dans l’église, on ne se donne pas sa mission, on la reçoit. Par la grâce de Dieu, et la bienveillance du Saint Père Benoît XVI, j’ai été choisi et nommé Évêque d’Idiofa. La mission qu’on s’échafaude soi-même est une façon de se mettre à son compte : là je n’étais pas du tout à mon compte. Je ne roulais pas pour moi, mais pour lui et pour son Eglise. Heureusement que j’ai été accompagné par des aînés dans l’épiscopat, ma famille biologique et mes amis; heureusement aussi que l’accueil était chaleureux. Cet accueil a été important, et continue encore à l’être. Merci beaucoup à vous toutes, à vous tous, de m’avoir permis de me sentir à ma place dans l’Eglise.
  2. Nous, catholiques, aurions vraiment beaucoup à dire aux autres églises sur la procédure de succession apostolique, sur l’accueil que nous réservons aux pasteurs que Dieu nous donne. Nous les accueillons vraiment comme des serviteurs de l’Évangile qui ont cherché le chemin de l’obéissance autant que nous. Cette disponibilité est à féliciter. Et j’ai beaucoup aimé les collaborations et les fécondités qui sont nées de cette disposition.

Dix ans après, je compte parmi vous des frères et des sœurs, des amis et des amies, des fils et des filles, des liens si forts qu’ils ne peuvent venir que « d’ailleurs ». Ma joie est d’autant plus grande que ces collaborations ont donné un nouvel élan à notre diocèse. Un évêque est un père, un frère et un ami : vous me l’avez fait sentir, et cela m’a permis de me déployer pour mon Eglise diocésaine d’Idiofa. Je ne me suis pas senti seul, même si mon ministère a inéluctablement en son sein une dimension solitaire. Je vous dis toute ma reconnaissance pour ce que vous avez été pour moi.

  1. Il n’est pas facile de parler de soi, de parler de ce qui nous habite. Qu’il me soit cependant permis de partager avec vous cette conviction : est heureux celui qui donne et se donne. Dès ma nomination comme évêque, j’avais souhaité être davantage utile aux autres. J’avais interprété la grâce de l’épiscopat comme une capacité à faire beaucoup de bien à beaucoup de gens. Les attentes autour de moi sont immenses, et les besoins nombreux voire démesurés. Si vous estimez que je ne suis pas encore à la hauteur de l’idéal que je m’étais fixé, je vous prie de l’entendre comme un appel à m’aider à faire mieux. Je sollicite votre indulgence : « Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité » (2 Co 9,1-15). Si nous nous rendons tous toutes ouverts et perméables à sa grâce, il nous permettra de réaliser une belle œuvre d’Eglise.
  2. J’ai voulu que, à l’occasion de ce dixième anniversaire de mon épiscopat, j’ordonne des diacres et des prêtres. Par ce geste spécifique du ministère de l’évêque, j’ai à cœur de souligner la dimension de service que nous rappelle le sacerdoce du Christ.

Chers fils,

  1. Tout à l’heure vous serez officiellement présentés à l’évêque pour être ordonnés prêtres. C’est l’aboutissement d’un long parcours que je vous invite à accueillir dans l’action de grâce. Bientôt vous allez entrer dans l’ordre des prêtres. Dieu dans son grand amour va vous mettre à part au sein de son peuple pour être totalement consacré à l’œuvre à laquelle il vous destine. Oui, le Seigneur l’a voulu ainsi que dans son Eglise « tous les membres n’aient pas la même fonction » (Rm 12, 4). C’est ainsi qu’il a établi parmi les membres de son corps des ministres investis pour exercer publiquement la fonction sacerdotale» (P.O. 2). Un grand honneur et une grande preuve d’amour que le Seigneur vous témoigne en ce jour.

Oui, vous allez accéder, pour les uns, à l’ordre sacré du diaconat, et pour les autres, à l’ordre sacré du presbytérat. Ces deux degrés de l’ordre, ainsi que le troisième que je porte comme évêque, ont en commun l’idéal du service. Cet idéal que Notre Seigneur Jésus-Christ a porté de la manière la plus parfaite jusqu’au sacrifice suprême de la mort, et la mort sur une croix. Jésus-Christ est Serviteur, et même le Serviteur Souffrant. Le sacerdoce que vous allez recevoir est sacerdoce du Christ. Oui, « Lui seul est le Prêtre, l’Autel et l’Offrande« . N’allez pas imaginer de vivre le sacerdoce autrement que comme service.

Très chers frères,

  1. Le sacerdoce du Christ est ni plus ni moins un sacerdoce de service, un sacerdoce d’amour. Du diaconat à l’épiscopat, la marque du service s’impose comme le criterium de l’authenticité du ministère exercé au nom de Jésus-Christ. Les douze Apôtres, et plus tard l’Apôtre Paul, ont bien compris ce message au point de déclarer haut et fort:  » Qu’on nous regarde donc comme des serviteurs… » (I Cor. 4,1). Le ministère au nom de Jésus se dénaturerait donc s’il s’écartait de cette voie tracée par le maître. Le maître a été serviteur, les disciples doivent l’être. Toute autre direction aboutirait à des effets contraires. Parmi ces effets, le maître signale le fait que le ministre lui-même ne sera pas heureux. N’est heureux dans le ministère au nom de Jésus-Christ que celui qui se met au service des autres.  » Il n’y a pas de plus grand bonheur que donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). Les Apôtres trouvaient en effet leur joie dans le service qu’ils rendaient à l’église au nom de Jésus. Ils étaient enthousiasmant dans l’annonce de l’évangile et dans leur façon de faire église. Jamais ils n’ont cherché leurs aises; jamais ils n’ont mis en avant leurs intérêts. Pour eux, vivre c’était Christ et mourir pour Christ leur était un gain. L’église primitive, sous leur gouverne, a marqué son époque par sa capacité à s’accorder, à chanter à l’unisson, à s’oublier pour la venue du règne de Dieu. « Que deux ou trois soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux. S’ils unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux » (Mt 18, 20). Cette église du service désintéressé a inspiré les membres de la première communauté. Ceux-ci ont pratiqué la mise en commun pour éradiquer la pauvreté. Les membres priaient pour que le règne arrive et le règne arrivait. Mais, on le voit, le service avant de devenir l’idéal de la communauté est l’identité du pasteur.

Bien chers fils,

  1. Voilà pourquoi je vous invite à servir le Seigneur et l’Eglise dans l’allégresse. Soyez des serviteurs joyeux et fiers de l’être. Ne vous ménagez pas pour le service à rendre à Jésus et à son Eglise. Vous avez l’âge pour donner, il faut donner. « A semer trop peu, on récolte trop peu; à semer largement, on récolte largement » (2 Co 9, 6). Je vous exhorte dès votre jeune âge dans le ministère de vous lancer, de viser haut : duc in altum. Il n’est pas bon de donner moins quand on peut donner plus. Celui qui sème pauvrement fera une pauvre récolte. Il y a beaucoup de prêtres qui se disqualifient d’eux-mêmes, dès le départ. Revêtez-vous suffisamment d’humilité, mais ne manquez pas d’ambitions. Mettez-vous régulièrement à jour; ne soyez pas minimalistes. Ayez du zèle, parcourez les villages en faisant la pastorale et elle vous paiera. Ne vous faites pas privé la célébration de la messe et l’administration des sacrements. Que votre amour pour l’apostolat, et surtout votre attention pour les démunis soit connu de tous. Donnez à pleines mains à qui vous demande. Dieu qui ne se laisse pas surpasser en générosité vous comblera. N’oubliez pas que celui qui donne aux pauvres, prête à Dieu. Soyeux généreux. Ne soyez des prêtres égoïstes, égocentriques, chineurs…Ces attitudes sont contraires à l’identité du pasteur que vous devez être.
  2. Nous célébrons aujourd’hui la mémoire du Saint Curé d’Ars qui, avec moins de ressources intellectuelles, a transformé sa paroisse en un lieu de pèlerinage tellement que son service du Seigneur était dévoué et éloquent. Le Seigneur se plait à choisir ce qui n’est rien, afin de détruire ce qui est quelque chose (1 Cor 1, 28). Saint Jean-Marie Vianney démontre que chacun de nous peut servir le Seigneur s’il met d’entrain, même avec peu de ressources. N’attendez pas que les conditions soient maximales pour servir le Seigneur. « Lui de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est anéanti » (Ph 2). Le Christ a misé le tout pour le tout. Il a tout donné; donnant ainsi l’indication que le sacerdoce se vit dans la « kenose » la plus totale. Le prêtre est cet être qui se vide pour être rempli de Dieu. Il est celui qui laisse Dieu agir pleinement en lui et pour se donner totalement à sa mission.
  3. Aussi profiterais-je de cet éclairage pour vous exhortez à accepter de grand cœur, et comme une grâce, la mission que vous confie votre évêque. C’est à celui-ci que revient la charge de veiller sur le troupeau de Dieu, sur l’étendue du diocèse. C’est lui qui, par ses différents conseils, en connait les besoins et en discerne les réponses à donner. Un prêtre reçoit sa mission, il ne se la donne pas. Il y a toujours un risque quand il se donne sa mission qu’il se recherche lui-même; qu’il travaille à son compte.

Donné en l’Esplanade près l’Eglise Cathédrale, le quatrième jour du mois d’août de l’année deux mille dix-neuf.

+ José MOKO EKANGA

    Évêque d’Idiofa